Hillsong France visée par une enquête des finances publiques sur sa gouvernance
Zachée, ex-employé du département des finances de Hillsong France a été entendu par des inspecteurs des finances publiques. Il raconte.
Je vous parlais précédemment de Zachée, le lanceur d’alerte manqué de l’église Hillsong France, qui m’a donné à lire ses échanges avec Phil Dooley, pasteur mondial de Hillsong. Il évoque une culture du travail toxique et un staff surmené, mais il révèle également qu’il s’est retrouvé face à des inspecteurs des finances publiques qui étaient, à sa grande surprise, très intéressés par le système de gouvernance de l’organisation. La réaction de la direction a forcé Zachée à poser sa démission.
Pourquoi tant d’opacité dans la gestion d’Hillsong France ? Comme évoqué plus tôt, nous n’avons pas reçu de nouveau rapport sur la gouvernance depuis 2019. Le Conseil d’Administration a changé en 2022, et vous ne trouverez leur contact nulle part en ligne. J’ai dû demander leur identité et leurs coordonnées à un membre du staff pour leur envoyer ma lettre ouverte.
Cette question semble également intéresser les Finances Publiques, qui ont conduit un audit de l’organisation. Cela a duré plusieurs semaines en mars 2023. Dans des emails, que j’ai pu consulter, Zachée écrit à Phil Dooley, patron d’Hillsong Global : « Mon départ a été précipité par une enquête gouvernementale. Les agents des Finances Publiques sont venus dans nos bureaux vérifier la conformité des reçus fiscaux que nous émettons à nos donateurs. »
Blâmons la barrière de la langue
Rappelez-vous, Zachée est un simple employé du département finance de l’église, à l’époque. Sa responsabilité se limite à la compatibilité et certaines procédures administratives. Pourtant, lorsque les autorités fiscales convoquent Hillsong France pour trois rendez-vous, c’est à Zachée que l’on donne mandat pour représenter l’organisation. Personne du Conseil d’Administration ne s’est déplacé pour assister à l’une de ces audiences.
« Ce que je pensais être un audit financier de routine est rapidement devenu une enquête sur la gouvernance de l’église, révèle Zachée, N’étant pas membre du Conseil d’Administration, j’ai très vite demandé à Brendan White (pasteur principal de Hillsong France, ndlr) de se joindre à moi pour ces rendez-vous. À ma grande stupeur, il a refusé, prétextant que son planning ne lui permettait pas de répondre aux questions de deux agents des Finances Publiques. »
On peut comprendre Brendan. J’ai moi-même une phobie administrative. À mon grand âge, je laisse mon beau-père gérer la comptabilité de mon entreprise. Néanmoins, Brendan est le pasteur dont l’église enseigne aux enfants à chanter « Sois fort » et aux plus grands que Dieu « est avec nous dans le feu. » D’autant plus que Zachée montrait clairement des signes de détresse : « Je me suis senti abandonné, pas considéré. J’avais l’impression que les inspecteurs m’accusaient de choses dont je ne savais rien. J’ai passé des heures à pleurer, ne sachant pas quoi faire. »
Un trésorier de l’association peu investi
C’est finalement Gabriel Gimenez, pasteur principal de Hillsong Massy et membre du Conseil d’Administration qui prendra la relève de Zachée dans ces audiences « pesantes ». Une situation que Zachée décrit comme inappropriée : « Je suis perplexe face au fait que notre pasteur principal, également président du Conseil d’Administration, ne soit pas capable de parler français après plus de 20 ans, et donc de gérer une affaire comme celle-ci. »
Chacun doit porter sa croix, Zachée ! Ce qui m’étonne, moi, c’est que le membre du Conseil d’Administration, chargé de la trésorerie de l’association, ne soit pas celui qui ait fait face aux autorités fiscales. Celles-ci ont pourtant tenté de le contacter. « Les enquêteurs étaient surpris de ne pas pouvoir discuter avec lui » écrit Zachée.
La situation fait d’ailleurs écho à un problème que notre lanceur d’alerte a tenté plusieurs fois d’aborder avec la direction : « Thierry Noutsa est trésorier de l’association et membre du Conseil d’Administration, mais il n’a jamais pris part aux rapports concernant les finances de l’église. Beaucoup de membres du staff pensent qu’il n’est là que pour les apparences. »
C’est effectivement problématique, puisque comme le note Zachée, diplômé d’un master de finances et qui a travaillé pendant 15 ans comme contrôleur de gestion : « Thierry Noutsa est le signataire des reçus fiscaux, mais il n’a aucune idée de leur émission, ni des montants indiqués dessus. »
C’est donc à toi Thierry, que j’adresse ma requête : j’aimerais te transmettre mes reçus fiscaux de 2017 à 2021 avec les montants de mes dons à l’association Hillsong France, pour que vous puissiez les reverser aux Restos du cœur, car j’estime que j’ai eu tort de vous faire confiance avec la gestion des finances et la gouvernance de notre église.
Cher Anon1, voici ton heure de gloire sur ce blog
Cette partie de l’article devrait intéresser Anon1, mon premier hater sur cette plateforme et dont nombre de mes lecteurs pensent qu’il s’agit d’un membre du Conseil d’Administration. Ce brave commentateur anonyme, dont la diatribe n’a pas entaché ma motivation, avait notamment évoqué la transparence des finances d’Hillsong France : « Comme d'habitude les rapports financiers sont publics, mais cette année, pour mettre l'accent dessus, il y a eu un service spécial où Hillsong Paris a étalé publiquement la répartition des finances. On y constate que la rémunération du staff représente la même part du budget qu'il y a 3 ans alors qu'il y a eu une dizaine de départs, ce qui signifie que les choses changent. »
J’ai fait des études de droit et de journalisme, j’ai lâché les maths en Première ES, mais il y a déjà des calculs qui ne sont pas bons dans cette déclaration, n’est-ce pas ? « Ce “Cœur et Âme” (une réunion des personnes les plus investies de la congrégation, ndlr) dont elle parle, ce n’étaient que des mensonges, m’a révélé un petit oiseau du staff, J’ai ri à gorge déployée à la fin de ce commentaire. J’aimerais bien savoir qui se cache derrière, pour rire à chaque fois que je la croise, tellement elle ne sait pas ce qu’elle dit. »
Dans le déni, cœur et âme…
Malheureusement il semble que c’est bien Thierry Noutsa, trésorier de l’association cultuelle, qui a induit Anon1 et sans doute le reste de la congrégation en erreur. Ce n’était peut-être pas intentionnel. C’était apparemment « la première fois que cette personne prenait le micro en public pour adresser l’aspect financier de l’église » selon Zachée.
L’ex-employé du service finance de l’église revient sur l’événement “Cœur et Âme” dans son mail adressé à la Maison-mère : « Les chiffres et les explications (fournies par Thierry Noutsa, ndlr) étaient fausses. Je le savais puisque je suis celui qui travaille dessus. » La situation rend Zachée désemparé. Ses écrits témoignent clairement d’une situation grave. À la place de Phil Dooley, qui a déjà de nombreux incendies à éteindre à Sydney, j’aurais appelé 911 sur le champ.
Le lanceur d’alerte finit par annoncer qu’il a démissionné : « Ma formation et mon expérience dans d’autres organisations m’ont mené à croire que tout ceci n’est pas correct. Toutes les associations cultuelles en France doivent avoir un trésorier qui connaît le fonctionnement des finances de l’église. J’ai posé ma démission, désespéré par des années de dysfonctionnements, de mauvaise gestion et de leadership malsain. »
Mes lecteurs savent maintenant que les choses se sont envenimées pour Zachée au sein du staff après sa démission, comme si la direction avait décidé de le punir. « Mes responsables me demandaient de commencer des nouveaux projets deux mois avant mon départ, détaille-t-il, la pression et les comportements que je subissais étaient anormaux, impies et choquants. »
Les intentions de Zachée étaient pourtant honorables. « Beaucoup de décisions pour le moins contraires à l’éthique ont été prises, révèle-t-il, j’ai essayé de sensibiliser, j’ai essayé d’en discuter, j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour changer les choses, sans résultat. Je ne pouvais plus continuer de faire partie du staff, mon intégrité et mes valeurs étaient en jeu. »
Mais que fait la Maison-mère ?
Rappelez-vous, Zachée écrit à Phil Dooley, qui a mis en copie de ses emails Stephen Crouch, président du Conseil d’Administration australien de Hillsong, et George Aghajanian, directeur général de Hillsong International. Vont-ils envoyer le FBI ?
Que nenni. Alors que le pasteur principal mondial renvoie la balle au directeur général mondial, tous les deux à l’autre bout du monde, personne ne répondra à Zachée sur le sujet des finances de l’église. George Aghajanian s’est contenté d’adresser la situation des “incohérences” concernant l’indemnité de départ de Zachée, en se rangeant du côté de la direction d’Hillsong France.
À ce jour, je ne suis pas en mesure de vous dire si Thierry Noutsa est toujours trésorier de l’association cultuelle Hillsong France. Peut-être que le Conseil d’Administration confirmera cette information lorsqu’il adressera une réponse à ma lettre ouverte (j’ai peu d’espoir, mais on sert un Dieu de l’impossible !).
Que penser de tant d’opacité ? Je ne trouve pas ça satisfaisant de la part d’une organisation qui brasse autant d’argent et concerne autant de gens. Des associations ont été dissoutes pour moins que ça. Je me suis donc entretenue avec d’anciens responsables d’Hillsong France pour en savoir plus sur le fonctionnement de la gouvernance de l’église et avec des experts du droit et de la fiscalité des associations cultuelles. Mais c’est une histoire pour la semaine prochaine, puisque nous approchons de l’heure du sabbat et j’ai assez travaillé pour cette semaine.
Excelsior,
Tiavina Kleber